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Sorman, Guy (French)

Par Guy Sorman, écrivain et commissaire

Guy Sorman

Guy Sorman

Liu Xia est la photographe la plus significative de l’art chinois contemporain. En n’utilisant que le noir et blanc, elle s’enracine dans la calligraphie, source historique de tous les arts plastiques en Chine. Mais avec ses « ombres chinoises », elle décrit la Chine d’aujourd’hui, celle de la renaissance nationale comme celle de la répression. D’étranges poupées, que Liu Xia appelle ses «vilains bébés», errent dans les paysages de Pékin : des créatures qui sont destinées à échapper aux censeurs incompréhensifs et une représentation de la comédie humaine en Chine.

Derrière les poupées, chacune racontant une histoire, Liu Xia montre et cache.

« Vivre avec ces poupées

Me remplit d’une force silencieuse

Quand le monde se ferme de tous côtés

Nous communiquons avec des gestes »,

écrit Liu Xia dans un poème intitulé La Force silencieuse (1998)

Liu Xia, poète et photographe, est reconnue et admirée par la communauté intellectuelle et artistique de Pékin : mais elle est une artiste interdite. Les photos originales présentées à Boulogne-Billancourt sont exposées pour la première fois au public : jusque-là, elles ne pouvaient être vues qu’en privé, quand elles circulaient discrètement entre amateurs éclairés en Chine. Et jamais ces tirages originaux n’avaient pu sortir de Chine : l’exposition de Boulogne-Billancourt est bien une première mondiale.

On s’interrogera sur cette censure ? En quoi ces photos «abstraites» peuvent-elles courroucer le gouvernement chinois ? Liu Xia, certes éprise de liberté comme tous les artistes chinois, n’est pas une militante politique. Pire encore, Liu Xia est, depuis janvier 2011, assignée à résidence à Pékin, sans accusation ni jugement, totalement coupée du monde.

La répression qui s’est abattue sur la frêle Liu Xia n’a qu’une explication, mais inacceptable au regard des droits humains : elle a le tort d’être l’épouse de Liu Xiaobo, Prix Nobel de la paix 2010, incarcéré pour « atteinte à la sécurité de l’État ». Le crime de Liu Xiaobo ? Avoir adressé au Parti communiste chinois une lettre demandant l’ouverture de discussions pour une transition démocratique : lettre signée par plusieurs dizaines de milliers de citoyens chinois, à commencer par l’élite universitaire et artistique.

Quand on demande à Liu Xia pourquoi elle se rase le crâne, à la manière d’un moine bouddhiste, elle répond qu’elle se laissera pousser les cheveux le jour où les artistes chinois seront libres de s’exprimer dans leur propre pays.

Guy Sorman

Commissaire de l’exposition

Octobre 2011

(Ceci est l’essai écrit spécialement pour le catalogue de la première à Paris en Octobre 2011 de l’exposition “La force silencieuse de Liu Xia.« Droit d’auteur © 2011 par Guy Sorman. Tous droits réservés.)

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